Dans cet épisode 4 du podcast Tic Tac Tech, Thomas Fauré reçoit Jérôme Colombain, journaliste spécialiste de technologie. « Piqué à la tech » depuis toujours, il suit l’arrivé d’Internet en France et lance la chronique « Infos informatique » chez Radio France en 1994.
Passionné par les technologies numériques, il est l’auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation de la tech, mais aussi précurseur des dangers liés à Internet.
Retrouvez le dernier ouvrage de Jérôme Colombain : Faut-il quitter les réseaux sociaux ? (Dunod).
À la tête d’un des podcasts numériques les plus téléchargés, Jérôme Colombain revient sur son parcours et sa vision sur les évolutions technologiques.
Quel est votre point de vue à propos d’Internet ?
Au début, nous avons vécu dans une utopie, un avenir radieux porté par les promesses d’Internet et les technologies numériques. Cependant comme toutes les grandes révolutions – l’invention de l’imprimerie ou du chemin de fer -, il a fallu se ranger à la raison, c’était inévitable, cela ne s’est pas passé comme prévu…
Aujourd’hui, nous devons affronter la cyber malveillance, les fuites de données personnelles, la question de la souveraineté numérique des Etats, la sécurité des entreprises et des particuliers.
Néanmoins, je ne suis pas partisan d’abandonner Internet, et ce, malgré ses défauts et les nombreux problèmes qu’il pose.
Quels sont les limites des technologies numériques ?
Le tournant a eu lieu à l’occasion de l’affaire Cambridge Analytica en 2018. C’est cette affaire qui m’a motivé pour écrire ce livre sur les réseaux sociaux. On s’est rendu compte que tout pouvait déraper. La technologie numérique était désormais au cœur de nos vies.
Même si on voit apparaître une prise de conscience dans le grand public, la majorité des utilisateurs ne se soucient pas des questions de sécurité de leurs données, du monopole des GAFAM ou des conséquences souvent néfastes des réseaux sociaux, en particulier pour la jeunesse.
Mais, à titre personnel, quoiqu’informé, je ne peux pas me passer de Google ! Je parle du moteur de recherche, du mail et du drive qui sont des outils de travail formidables. Le paradoxe est que je me sens plus en sécurité chez Google que chez n’importe quel autre hébergeur. Alors que je sais que Google scanne mes mails. Nous sommes dans le cas de figure d’injonctions contradictoires.
Comment décrirez-vous vos débuts de carrière dans la radio ?
Journaliste pendant vingt-sept ans à France Info, j’ai été pendant toutes ces années le spécialiste de la tech. Longtemps, on me tendait les dépêches contenant le mot technologie du bout des doigts, comme si celle-ci était « contaminée ».
Au début de ma carrière, j’ai fait partie de rédactions dans lesquelles aucun journaliste n’avait d’ordinateur. Quand ils sont arrivés, mes confrères n’étaient pas ouverts et les craignaient soit à titre professionnel, soit à titre personnel. Je dois reconnaître que je fus déçu de la mentalité de mes pairs que je pensais alors encore curieux de tout et avides de nouveautés. Ce n’était manifestement pas le cas. Le milieu était conservateur.
Néanmoins, il y avait des journalistes qui tranchaient. Je pense à Daniel Garrigue qui tenait la page technologie de l’hebdomadaire « Le Point », fan de nouveauté. Quand Steve Jobs venait à Paris, il lui rendait visite chez lui !
À France Inter, il y avait des geeks, Michel Forgit et Michel Polacco, qui avaient tout compris.
Comment s’est passé la transition post-radio ?
J’ai quitté la radio pour monter un podcast. L’aventure a commencé en 2008 avec mon grand ami François Sorel, journaliste à BFM Business. Nous avons créé la Chaîne Techno sur Youtube où nous présentions principalement les derniers smartphones. Nous l’avons fait parce que nous voulions partager des choses qui n’intéressaient pas nos rédactions. À la fin, nous avons eu une communauté, trouvé des sponsors et ainsi créé un business. Nous l’avons revendu en 2013 au groupe Altice. C’est devenu 01TV puis, aujourd’hui, la chaîne TV Tech&Co.
Au départ, salarié du service public, cela n’a pas été facile. J’ai suscité des jalousies. La DRH m’a convoqué. Mais Radio France est une bonne maison ; comprenant que cela me donnait – paradoxe – de l’énergie, on m’a laissé faire ce que je voulais.
Cette aventure m’a donné alors des ailes. J’étais à un âge où j’avais deux options : soit j’attendais la retraite et le pot de départ – cela me terrorisait -, soit j’entreprenais. J’ai choisi la seconde option. Logiquement, je suis resté dans mon cœur de métier, le journalisme audio tech. D’autant plus que je voyais bien la vague du podcast qui arrivait des Etats-Unis.
Parlez-nous de votre podcast « Monde Numérique »
Je me suis lancé en juin 2021. Dans l’actualité tech, « Monde Numérique » est dans le top 3 des podcasts. L’idée est de faire ce que je ne pouvais pas faire à France Info. C’est une émission hebdomadaire de quarante minutes dans laquelle il y a des news et des interviews.
Formaté par le service public, c’est d’abord un programme grand public. Je traite des derniers produits mis sur le marché, les questions de souveraineté numérique, la cyber criminalité, l’innovation technologique en matière d’environnement, etc. In fine, ce sont tous les sujets qui m’intéressent.
Au départ, je ne me voyais pas faire ça. Salarié du service public depuis toujours, je n’étais pas équipé pour entreprendre.
Aujourd’hui, mon meilleur ami est mon expert-comptable. Je vais louer un bureau avec un studio d’enregistrement. Je suis un « jeune » entrepreneur !
Quelles sont les tendances actuelles des technologies numériques ?
Le Web 3, les NFT, j’ai du mal à y croire. En revanche, je crois au métavers. Aujourd’hui, c’est l’apanage de Facebook ; demain ça intéressera une foule de domaines.
J’étais en Corée du Sud récemment. L’Etat est en train de développer un métavers public. Il transformera les rapports avec l’administration grâce à de nouvelles interfaces d’accès aux services. Paradoxalement, il n’est pas impossible qu’il permette de réduire la fracture numérique.
Si demain notre vie doit se transformer à cause du réchauffement climatique – moins de voyages et de déplacements -, je pense que le métavers pourra peut-être nous permettre de continuer à avoir une vie à peu près normale. Cela fait peur – « je ne veux pas vivre avec un masque sur les yeux toute la journée » – ; mais avant on disait que nous ne voulions pas vivre avec un ordinateur toute la journée ; on sait ce qui est arrivé sans que cela nous empêche d’avoir des amis et une vie sociale. Ce n’est pas l’un ou l’autre.
Pour moi, le métavers c’est, je suis chez moi, je mets mes lunettes de réalité virtuelles ultra-légères, et je vois sur le canapé une personne qui est assise à mes côtés qui est un ami habitant New York, ou bien un formateur qui va me donner un cours, etc. (Mais peut-être que je me trompe…).
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