3 mai 2022

Instaurer un Ministère du Numérique de plein exercice pour une politique stratégique forte

Quentin Adam, président de Clever Cloud, est venu échanger sur sa vision du numérique en France et la nécessité d’instaurer un Ministère du Numérique de plein exercice. Ancien élève du Conservatoire en chants lyriques, de l’école du cirque et d’une école d’ingénieurs, il fonde son entreprise en 2010.

 

Pouvez-vous présenter Clever Cloud ?

 

Clever Cloud automatise, grâce à un logiciel d’intelligence artificielle, la gestion des applications pour ses clients. La synchronisation peut se faire dans notre cloud, celui d’un tiers ou totalement chez le client. C’est un logiciel de gestion qui permet aux développeurs de créer du code et de l’envoyer. À la suite de cela, le déploiement et le maintien en condition opérationnelle, tels que les notions sécuritaires, les notions de résilience et la notion de taille, sont pris en charge par le logiciel.

Nous avons des clients de toute taille, tant dans le secteur privé que public, répartis dans 120 pays. Notre focus : le maintien en condition opérationnelle.

 

En quoi un Ministère du Numérique est-il nécessaire ?

 

Le numérique, qui dépend aujourd’hui du Ministère de l’Économie, ne peut pas se résumer au seul sujet de l’économie. Le numérique touche toute la société. Il n’est pas, contrairement à ce qu’on pense, que virtuel. Il permet aux hommes et aux femmes de tout âge, de communiquer, de travailler, de se déplacer, de vendre, d’acheter, etc. ; en un mot, de vivre. Plus personne ne peut s’en passer, même s’il existe une fracture numérique.

Or, actuellement, le numérique n’est représenté au gouvernement qu’avec un secrétariat d’État. C’est peu. Pensons à l’agriculture dont la part dans le PIB est deux fois moins importante que celle du numérique. Pourtant, elle a un ministère de plein exercice et personne ne songerait à réduire sa représentation au rang d’un simple secrétariat d’Etat.

La valorisation des sociétés technologiques cotées au NASDAQ ne cesse d’accroître depuis 2005, contrairement à celles du CAC 40. Le secteur du numérique ne cessera pas dans le futur de connaître une croissance exponentielle. Il faut donner de la force à ce secteur pour le déployer. Souvenons-nous à la création dans les années 1970 du ministère de l’Environnement. Ça paraissait incongru, alors que cela ne l’est plus du tout aujourd’hui.

Or, à mes yeux, ce qui est aujourd’hui incongru, c’est qu’il n’existe pas encore un Ministère du Numérique avec une autorité sur des administrations centrales ainsi que des secrétariats d’État. Le numérique est un sujet trop sérieux pour se réduire à un secrétariat d’État.

 

📖  Retrouvez l’intégralité de la Tribune collective « Pour un ministère du numérique de plein exercice » signés par plus de 80 acteurs du numérique.

 

Quelle est votre conception de la souveraineté numérique ?

 

La souveraineté numérique est notre capacité à être dans un rapport de force sincère avec les États de la planète qu’ils soient nos alliés ou pas. Elle n’est pas synonyme d’isolationnisme. Au contraire, elle nous permet de choisir ce que nous gardons, c’est-à-dire ce que nous voulons produire chez nous, en l’exportant notamment ; et ce que nous déléguons, c’est-à-dire ce que nous importons. In fine, il s’agit de pouvoir conserver notre indépendance sans s’isoler.

La tech, c’est la révolution industrielle – comme celle du XIXème siècle – de la prestation intellectuelle. Pour faire face à celle-ci, il faut être capable de nous opposer aux géants Américains ou Chinois en créant nos « géants » de la tech. C’est-à-dire de développer, notamment, des logiciels qui, issus de notre culture européenne, sont le reflet de la manière dont nous pensons et vivons. Or, ce n’est majoritairement pas le cas aujourd’hui puisque ceux que nous utilisons sont majoritairement d’origines anglo-saxonne ou chinoise. Remarquons que ces logiciels n’étant pas totalement adaptés chez nous, il y a des dysfonctionnements. Pensons aux réseaux sociaux où il y a souvent des dissonances parce que nous n’en faisons pas le même usage que leurs créateurs imprégnés d’une culture différente.

Il ne faut pas voir cette volonté de bâtir nos propres champions du numérique comme une opposition, mais au contraire comme une nouvelle richesse que l’on va pouvoir partager. Cela enrichira le pluralisme mondial. À la fin, cela permettra aux consommateurs de disposer des meilleurs logiciels pour lui, c’est-à-dire d’avoir ceux qui leurs permettront de vivre selon leurs usages et leur culture.

 

La guerre du cloud est-elle perdue ?

 

Non ! Parce qu’elle n’a pas commencé. Le marché double tous les ans. On en est à 25 % du volume de ce qu’il sera en 2028. C’est donc un marché énorme, un « océan bleu ». Aussi, il y a de la place pour des nouveaux entrants.

En revanche, il y a des détracteurs, généralement travaillants pour les géants de la Silicon Valley, pour expliquer que la guerre est perdue. C’est faux. Tout reste possible. Les leaders d’aujourd’hui peuvent être remplacés demain. Aucune place n’est acquise définitivement. La vitesse de l’innovation technologique est prodigieuse, ce qui fait que c’est également une opportunité pour de nouveaux entrants. C’est ce que dit Ray Kurzweil, patron de la recherche de Google, dans la loi des rendements accélérés. En effet, une analyse de l’histoire de la technologie montre que le changement technologique est exponentiel, contrairement à la vision « linéaire intuitive » du bon sens. Nous ne connaîtrons donc pas 100 ans de progrès au 21e siècle — ce sera plutôt 20 000 ans de progrès (au rythme actuel).

Ainsi, non, la guerre du cloud n’est pas perdue. Il est possible de faire aujourd’hui de façon plus maligne ce que d’autres ont fait depuis des décennies. Il faut simplement aller se battre.

 

📖  Découvrez également la tribune de Philippe Latombe, député de la première circonscription de la Vendée, mettant en avant la nécessité d’un ministère du Numérique de plein exercice.

 

 

1 Commentaire

  1. Tailliez

    J’adhère complètement au discours de refus de la résignation mais moins sur la vision exponentielle des choses. Même si l’effort de recherche est en hausse constante, on voit bien qu’il est hétérogène selon les domaines alors que bien souvent, l’innovation apparaît dans un domaine où on ne l’attend pas.
    Par exemple la France sous-investit en recherche biologique, alors que ce domaine est aussi porteur que le numérique: Le nombre de séquences d’ADN connues double tous les cinq mois vs. la loi de Moore en informatique. La bionique est une source d’innovation et les régulations biologiques, résultat de trois milliards d’année d’évolution, sont plus sophistiquées que les programmes informatiques.
    Ce n’est pas non plus parce que l’effort de recherche est sans précédent que les découvertes fondamentales progressent au même rythme. Le progrès se traduit surtout par la profusion de technologies disponibles, encore faut-il en tirer parti , les associer judicieusement, et tout ce qui est réalisable n’est pas forcément souhaitable
    il faut aussi intégrer les freins au changement: ressources et matières premières, contraintes écologiques, contraintes éthiques ou sociétales etc. Ces phases exponentielles sont souvent transitoires et il faut de l’agilité pour rebondir.

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